Comment Nous Essayons de Faire Bouger les Choses #COVID19
On me demande souvent ce qui fait la différence entre une startup et une "vraie" entreprise. Les définitions divergent. Certains disent que les startups ont "une âme" et sont créées par une volonté de faire plutôt qu'une volonté de faire de l'argent. D'autres estiment que c'est une question de taille (#SizeMatters les startups sont plus petites historiquement que les grandes entreprises). Parfois on parle des business models : ceux des startups sont en création ou parfois pas encore prouvés par opposition à ceux des PME qui doivent être rentables. C'est également leur modèle de financement : là où les startups sont souvent financées par des VC ou des investisseurs à risque, les PME sont plus souvent financées par de la dette, et les grandes corporations par des investisseurs cherchant un ROI plus faible, mais plus stable. Souvent on parle aussi des croissances folles des startups qui essayent de "prendre" des marchés et qui sont évaluées sur leur potentiel de scalabilité et donc leur potentiel à l'échec qui est très élevé (92% des startups meurent dans les 3 premières années, contre seulement 32% des PME).
Je dirais que justement, là où les startups sont les meilleurs, c'est dans leur vélocité, leur capacité à absorber très rapidement les informations, à chercher très rapidement une solution, à rebondir très rapidement sur un sujet.
Le mot clé étant : rapidement.
Retour sur ces dernières semaines, où tout est allé très, très vite.
Début Février
Début février, je m'alarme de ce virus inconnu qui fait trembler la Chine où nous avons pas mal de connaissances. Je me dis que ça risque de venir jusqu'à chez nous, mais souvent on me dit que je m'inquiète trop (ce qui est vrai). Je demande quand même à Harold, notre office manager, d'acheter des masques pour ceux qui vont voyager (votre shooting de la collection d'été à Miami approche), des gels individuels et pour les bureaux, et de remplacer tous les pots en libre service par des distributeurs, pour éviter les contacts de la main. Les gens me prennent un peu pour une folle, mais j'ai l'habitude :D
Vendredi 28 Février, J-25, prise de l'avion
Nous quittons Paris pour Miami. A l'aéroport, personne ne porte de masque à part les JOONIES, moi, et quelques étranges en transit. Je monte dans l'avion, je désinfecte ma place. Les gens autour de moi pensent que je suis parano. Les hôtesses, elles, semblent inquiètes. A Miami, nous travaillons dur, il fait beau, et les discussions sur le COVID-19 n'existent pas encore aux USA.
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Samedi 7 Mars, J-17, prise de court
Nous débarquons à Paris sans aucun contrôle sanitaire. Je finis par me dire que j'ai peut-être été parano, que si personne ne s'inquiète, alors je devrais peut-être ne pas m'inquiéter. Je décide de mettre en home office une de nos JOONIES qui est allée à Rome voir des amis, par précaution. Aujourd'hui, notre petite Elise est à sa 3e semaine de solitude, alors je pense fort à elle.
Jeudi dernier, J-12, prise de parole
Paul et moi sommes scotchés devant les infos quand le Président Macron prend la parole. Nous avons déjà validé que nous devions mettre en home office tous les JOONIES pour 3 semaines, le Président nous conforte dans ce choix. Nous nous préparons à un vendredi douloureux car nous devons mettre fin aux périodes d'essai que nous ne souhaitions pas renouveler sur tous les mois de Mars et d'Avril. C'est dur de se quitter le coeur lourd, sans trop savoir quand nous nous reverrons, ni ce qui nous attend.
Samedi dernier, J-10, prise de conscience
Samedi dernier, alors que nous venons de placer les salariés de JOONE en home office pour 3 semaines en amont de l'annonce du confinement, je me retrouve seule à la maison à voir arriver les commandes de parents anxieux à l'idée de ne plus avoir assez de produits. Je sais que la semaine qui arrive va être difficile, qu'il va falloir déployer beaucoup de colis dans des conditions incertaines. Pourtant, malgré les annonces du Président, je vois dans la rue des tonnes de gens qui semblent étrangers aux consignes. Comme beaucoup, je suis un peu en colère. Mais surtout, je me dis que tous ces gens peuvent continuer de propager le virus. L'angoisse qui m'avait quitté quelques heures à mon retour de Miami, est revenue très (trop) forte.
Dimanche, J-9, prise de contact
Au milieu de la nuit, je n'arrive pas à dormir. Je discute avec mes amis en Chine, qui me mettent en contact avec Helen, une agent commerciale de Healicom, une entreprise chinoise qui fabrique des produits de santé. Elle m'explique avoir équipé plusieurs hôpitaux en Pologne, au Portugal, au UK, au Vietnam. Que les commandes commencent à venir et qu'il faut agir vite.
J'appelle Francois, notre investisseur. Il me connaît par coeur et il me dit qu'il est ravi de soutenir la démarche. Il me demande juste si ça ne va pas nous mettre financièrement dans l'embarras, je lui confirme que non. Nous avons beaucoup de commandes depuis jeudi soir, je me dis que nous pouvons allouer une partie de ce Chiffre d'Affaire à des produits pour les hôpitaux.
Nous échangeons des plaquettes descriptives de respirateurs auxquelles je ne comprends rien. Je transmets au Professeur qui me suit à Cochin depuis plusieurs années avec un mot bref "nous pouvons trouver des startups et des entrepreneurs pour acheter du matériel, de quoi avez vous besoin?"
Il me répond au milieu de la nuit "de tout ce que vous pouvez nous offrir," et me met en relation avec la Fondation de l'APHP
Mardi, J-7, prise de commande
Après plusieurs retours avec la Fondation de l'APHP, je comprends que les choses iront plus vite si je commande en direct. Un organisme publique a besoin de plus de temps pour prendre une décision de dépenser beaucoup d'argent en une seule commande, et je les comprends.
Je leur dis que je vais passer une commande pour que le matériel arrive, qu'ils puissent le tester, et ensuite qu'on puisse faire plus de commandes. Je choisis leur modèle le plus vendu en 2 exemplaires, 30,000 masques et 1,000 kits pour tester le COVID-19. Pour s'assurer une option back-up, je prends un 3e respirateur dans une autre usine.
Helen et moi nous débattons avec des lourdeurs bancaires, que David, mon banquier JOONE depuis 3 ans, réussit à résoudre en quelques heures. L'APHP est heureux, et nous continuons les échanges avec eux et Helen pour que l'équipe de l'APHP puisse étudier le catalogue. Helen se couche à minuit (heure chinoise) pour continuer de discuter, je me réveille à 4h du matin pour lui donner les dernières nouvelles, et me rendors quelques heures avant de commencer ma journée JOONE.
Jeudi, J-5, prise de réseau
Je suis assez nouvelle dans l'écosystème des startups, et je ne connais pas beaucoup de monde. Qu'à cela ne tienne, Celine, la fondatrice de Leetchi, et Tatiana, la fondatrice de Levia m'invitent dans un groupe d'entrepreneurs souhaitant faire bouger les choses sur la situation du COVID-19. Elles sont déjà fait ensemble la formidable aventure SISTA, qui promeut l'investissement au féminin. Elles déploient une énergie incroyable et en quelques heures, la décision est prise de lancer une cagnotte, un site, un compte Insta et Twitter, un plan de communication. Ce que j'ai fait dans mon petit coin, elles vont le faire puissance 1000, avec toute la force de leur réseau. Elles font preuve d'une efficacité incroyable, et d'une vélocité de folie. Je suis fière de rattacher ma commande à leur programme qui en quelques heures trouve 10, puis 20, puis 30 artistes et entrepreneurs qui soutiennent la cause. Elles ont dans le sang la fougue des entrepreneurs, ceux qui ne reculent devant rien, qui ont besoin que les choses aillent vite, toujours plus vite. Un de mes meilleurs amis rentre en réanimation respiratoire à La Pitie. Je passe la journée du lendemain en pleurs. Il sortira de réa, mieux, deux jours plus tard.
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Mardi, J, nous atteindrons les 100,000€ dans la nuit
Ce soir, ce sont près de 1,000 personnes qui ont signés et près de 100,000€ qui sont levés. De nouvelles commandes se préparent. Celine, Tatiana, Thomas, Victoria se battent pour trouver les bons devis, les transporteurs pour acheminer les biens.
La commande de la semaine dernière arrive bientôt en France.
A temps, on espère, pour le pic de l'épidémie.
Alors quand on nous demandera demain ce qui fait la force des entrepreneurs, je dirai ceci. Que nous aimons cet équilibre fragile entre le risque et la certitude; que nous sommes habitués à vivre à 1000 à l'heure, et que même si c'est épuisant, c'est aussi ce qui fait notre force. La génération Startup, c'est aussi, et surtout, ça. Une génération engagée et véloce, qui essaye toujours de faire au plus vite, pour le mieux.
Vous pouvez participer à la cagnotte ici, à la hauteur de vos moyens et de vos souhaits. https://www.leetchi.com/c/soutien-au-personnel-de-sante-achat-de-masques-et-materiel-de-protections
Prenez soin de vous, restez chez vous.
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